Riche a été la troisième et dernière journée du 7 e Forum international de la s anté n umérique . Pour tirer profit de cette e-santé, la présence d’une infrastructure est adéquate. Ou, c’est là que le bât blesse en Tunisie : nos installations numériques ne sont pas parfaitement au point pour nous permettre d’exploiter le domaine et son énorme potentiel. Malgré ces lacunes, certains organismes publics ont lancé des projets qui s’inscrivent dans l’optique de la digitalisation de la santé en Tunisie. C’est le cas, notamment, du Centre informatique du ministère de la Santé (CIMS), mais aussi de la Caisse nationaled’ unl’assurance-maladie ( CNAM). L’apport de la téléphonie mobile dans le secteur a également été évoqué par les différents intervenants. D’ailleurs, ils ont rappelé un projet de l’OMS portant sur l’impact du numérique sur la santé orale. Cette troisième journée a été clôturée par la remise des prix du Concours des projets en santé numérique. C’était l’occasion de décerner les prix aux trois gagnants. Ils ont été attribués par l’ambassadeur de Chine en Tunisie, Zhang Jianguo, et par les laboratoires SAIPH. Décryptage .

S’il y a une chose qu’il faut retenir de la pandémie de la C ovid -19, c’est assurément la prise de conscience de l’importance du secteur de la santé. Le numérique incarne un rôle fondamental dans son développement. C’est ce qui a poussé un bon nombre d’organismes publics à développer plusieurs projets. C’est le cas du CIMS. Son représentant, Taoufik El Borgi, fait partie des panélistes qui ont participé à la dernière journée du Forum i nternational de Réalités sur la Santé n umérique.

Les projets du CIMS

« Le Centre a joué un rôle essentiel pendant la crise sanitaire. En partenariat avec plusieurs entités, il a mis au point de multiples projets, à l’étape d’Evax » , a commenté le représentant du CIMS, Taoufik El Borgi, qui a profité de sa présence pour revenir sur les objectifs de la plateforme . Parmi les partenaires du CIMS , rappelle-t-il, figurent l’ Agence nationale de la sécurité informatique ( ANSI), mais aussi l’Instance supérieure indépendante pour les élections ( ISIE ) , ou encore le ministère de la Santé.

Evax, une réussite malgré les difficultés

Evax se distingue par sa sécurité optimale. Les données des citoyens, soulignent Taoufik El Borgi, sont parfaitement protégées. Outre la possibilité d’inscription et l’obtention du pass sanitaire, la plateforme, poursuit-il, comporte des données en open data . Elles portent, à titre d’exemple, sur le nombre total de citoyens ayant obtenu leur schéma vaccinal, ou encore des personnes qui n’ont reçu qu’une seule dose. « Malgré toutes les difficultés que nous avons rencontrées, Evax est une réussite. Nous sommes parvenus à traiter plus de 500 000 réclamations de citoyens. Dans ce même contexte, nous avons pu envoyer plus de 500 millions de SMS via Evax » , explique le représentant du CIMS.

Essaha Aziza, Essaha… les autres projets du CIMS dans la santé numérique

Toujours dans l’optique de la santé numérique, le CIMS, d’après son représentant, a mis au point une autre plateforme permettant aux citoyens de prendre des RDV à distance dans un centre hospitalo-universitaire (CHU). « Une convention a été signée entre le ministère de la Santé et la Poste à cet effet. Le projet devrait pouvoir démarrer dans plusieurs CHU pilotes » , at-il ajouté.
La plateforme nationale de données de santé est un autre projet phare du CIMS s’inscrivant dans le cadre de l’e-santé. L’objectif, à travers ce projet, est de centraliser le domaine de la santé. Concrètement, il devrait permettre de répertorier toutes les données de santé, que ce soit cellule es du secteur public ou cellesdu privé. Sur cette base, déclare Taoufik El Borgi, il sera possible d’élaborer des plans stratégiques de santé. « Dès la semaine du 27 juin 2022, la plateforme sera généralisée, notamment à Sousse , Zaghouan et N abeul » , at-il précisé

L’intégration de l’e-santé dans les établissements de santé de première ligne via Essaha Aziza

Pour sa part, Essaha Aziza est le fruit d’un partenariat entre le CIMS et l’Union e uropéenne (UE). Au départ, le financement était fixé à 20 millions d’euros, mais il a été revu à la hausse pour atteindre les 60 millions d’euros. A travers le projet Essaha Aziza , selon le représentant du CIMS, le but est d’améliorer la qualité des soins dans les dispensaires.
13 gouvernorats sont concernés par Essaha Aziza . Le projet comprend une composante relative au « système d’informations pour la première ligne ». Cela signifie qu’il vise à introduire, entre-autres, la télémédecine dans les dispensaires.

Essaha : digitalisation des AMM et traçabilité des médicaments

Ici, on parle d’un projet financé par l’ambassade des États-Unis en Tunisie. C’est une enveloppe de 13,6 millions de dinars qui a été débloquée pour le concrétiser. Essaha porte, notamment, sur l’informatisation du système d’informations de la Direction de la pharmacie et des médicaments (DPM) au sein du ministère de la Santé.
Le projet porte sur deux autres volets capitaux. Il y a, tout d’abord, le dépôt à distance des AMM ( Autorisations de mise sur le marché). Les industriels, selon le représentant du CIMS, ne seront plus contraints de se rendre directement au siège du ministère de la Santé pour ce faire. Le second volet, pour sa part, vise à lutter contre la contrebande de médicaments, et ôcombien la Tunisie souffre de ce casse-tête. Il s’agit, dans cette optique, d’établir la traçabilité des médicaments. « Ce projet est en cours de réalisation » , assure Taoufik El Borgi.

Digitalisation : et la CNAM dans tout cela ?

Également présent lors de la dernière journée du Forum international sur la s anté numérique, Sami Abdelfatteh, représentant de la CNAM, est revenu, quant à lui, sur les projets numériques de l’institution. Pour commencer, celle-ci a travaillé sur l’élaboration des annuaires pour les médicaments. Ces derniers devaient aussi comprendre des informations relatives aux armoires et aux appareillages. « Cette étape a presque été achevée » , déclare Sami Abdelfatteh.

La carte Lebece : la distribution s’accélère

La digitalisation des services de la CNAM passe également à la carte Lebece . Dotée d’un QR code, celle-ci, à titre de rappel, est destinée aux assurés sociaux. Elle devrait leur permettre de payer directement leurs prestations médicales et d’acheter des médicaments. La carte intègre aussi un code. Celui-ci permet d’accéder à toutes les données d’un patient.
« Un accord a été conclu avec La Poste tunisienne pour pouvoir mettre en pratique ce projet. Depuis juillet 2021, nous avons lancé une opération à grande échelle, au niveau de 500 bureaux de poste, visant à distribuer un maximum de cartes Lebece . Depuis cette date, 700 000 cartes ont été distribuées. Au total, 1 million de personnes en ont reçu une » , a expliqué le représentant de la CNAM.

Lebece , déjà utilisé par les établissements de santé

Selon Sami Abdelfatteh, 86 structures sanitaires du secteur public (hôpitaux régionaux, CHU) sont déjà en train d’enregistrer des consultations à travers les cartes Lebece . « Cela montre que le projet avance bien. D’ailleurs, la moitié de la population peut déjà utiliser cette carte. Il faut aussi savoir que d’autres cartes se trouvent encore au niveau des bureaux de poste . Nous appelons les citoyens à aller les chercher. Dans les prochaines années, nous allons travailler sur la numérisation de toutes les informations médicales. Nous souhaitons que tous les citoyens participent à cet effort national. Lebece va permettre d’éviter les longues files d’attente à la CNAM. De cette façon, l’institution sera en mesure de mieux répondre aux besoins des citoyens., a conclu Sami Abdelfatteh

Des idées, des projets… mais pourquoi autant de retard ?

La première session de la dernière journée du Forum international de la s anté n umérique a été clôturée par le débat traditionnel. Les intervenants, qui sont pour la plupart des médecins et des consultants, n’ont pas manqué de souligner les lacunes du système de santé tunisien. « Il est capital de se projeter dans le futur de la santé numérique en Tunisie, mais comment expliquer que les projets tardent à être concrétisés ? Il s’agit, en fait, de la principale problématique qui a été soulevée par les intervenants, notamment par le Docteur Slim Ben Salah. Depuis plusieurs années, indique ce dernier, on parle énormément de la numérisation du secteur de la santé en Tunisie. « Pour quelle s
raison s at-on pris autant de retard, surtout en ce qui concerne la prise de rendez-vous ? » , s’est-il interrogé.
Autre sujet soulevé par le Docteur Slim Ben Salah : l’importance d’ édifier les citoyens tunisiens sur la santé. « Avec tout ce que l’on a vécu avec la C ovid -19, nous devons, à présent, informer la population à propos du chemin des soins. De fait, chaque citoyen doit savoir à qui s’adresser pour une donnée pathologique » , at-il dit.

Les infrastructures de base

D’autres intervenants ont mis en exergue l’absence d’ infrastructures de base dans certains gouvernorats et établissements de santé. Face à cette situation, ils ont recommandé au CIMS d’assurer le minimum en termes de connectivité. « Cela sera nécessaire pour l’enseignement. Les professeurs universitaires pourraient, par exemple, donner facilement des cours à distance » , a recommandé l’un des médecins présents dans l’assistance.
Certains ont déploré les lacunes de la politique de remboursement de la CNAM. « Demander le remboursement des consultations à distance, c’est une bonne chose, mais il faut commencer par les véritables priorités en la matière. Comment expliquer que les pathologies de naissance ne soient pas prises en charge par la CNAM », a déploré le Docteur Slim Ben Salah, qui a aussi exercé, rappelons-le, le métier de chirurgien-pédiatre.

L’apport du digital dans la santé bucco-dentaire et orale

La téléphonie mobile fait partie des éléments fondamentaux garantissant le bon fonctionnement de la santé numérique. De fait, cette technologie permet de combler certaines lacunes du réseau, notamment lorsqu’il s’agit de faire bénéficier les populations isolées sur le plan numérique des outils de l’e-santé. C’est dans cette optique que s’inscrit un programme initié par l’Organisation m ondiale de la santé (OMS).

Les quatre modules du programme de l’OMS

Axé sur la santé bucco-dentaire et orale, il a été présenté par Nicolas Giraudeau, universitaire, praticien hospitalier et responsable du groupe Télémédecine bucco -dentaire à l’occasion de la dernière journée du Forum i nternational de Réalités sur la santé numérique.
Le programme est axé sur 4 modules : éduquer la population quant à la santé orale, améliorer les connaissances et les compétences des professionnels de santé en la matière, travailler sur la détection précoce des pathologies et identifier les besoins de la population, et ce , afin d’adapter l’offre de soins à ces besoins.
Le numérique, rappelle l’universitaire, a beaucoup apporté au secteur de la santé orale. Le programme mentionne vise à encourager les États membres, notamment les pays a fricains, à tirer profit de la numérisation afin d’améliorer le volet de la prévention et de l’application. « Cela passe, notamment, par l’envoi de SMS ou de messages via les réseaux sociaux » , at-il précisé.
D’autre part, selon Nicolas Giraudeau, la digitalisation et la télémédecine bucco-dentaire constituent une façon d’optimiser le parcours des soins du patient. C’est également une manière de réduire les inégalités entre les citoyens. « Il est essentiel de simplifier l’accès au réseau pour permettre un meilleur déploiement de la télémédecine », a encore souligné le responsable du groupe Télémédecine b ucco-dentaire.

Mohamed Fakhri Khlissa

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