« L’histoire s’accélère, la géographie se transforme et le monde d’aujourd’hui ne ressemble en rien à ce qu’il était au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Le déséquilibre des puissances n’est plus le même ». C’est avec cette idée que Radhi Meddeb, président de Comete Engineering, a choisi d’entamer son intervention dans le cadre du forum de Réalités.
Il explique que le monde est connu de profondes mutations et  que la Méditerranée est un miroir grossissant de ces évolutions par rapport au reste du monde telles que les dérèglements climatiques qui seraient encore plus violents dans la zone méditerranéenne. Il ajoute que les fractures qui marquaient la Méditerranée au cours des dernières années se sont multipliées et sa stabilité a été impactée depuis la disparition de la bipolarité du monde. « Etant au cœur de ces transformations, tout le monde prétend jouer un rôle en Méditerranée. Outre les grandes puissances qui ne veulent pas agir leur recul sur certaines positions en Méditerranée, on voit désormais des puissances moyennes et régionales y émerger. Le printemps arabe était une formidable occasion d’un fluorescent d’interventions de multiples puissances dans la région», at-il affirmé.

Dans ce contexte, il cite le cas de la Libye, où règne une immense gabegie et où toutes les puissances s’affrontent désormais : les Emirats arabes unis, le Qatar, la Turquie, la France, les USA, etc. « Tout le monde semble être soucieux du bien-être de la population ou, en réalité, ce sont des intérêts économiques majeurs qui attirent tout ce beau monde en Libye. Ce qui intéresse la région de la Méditerranée, ce sont les hydrocarbures, cœur de l’économie », at-il lancé. Et d’ajouter : « La Turquie qui prétend y jouer un rôle majeur a fini par signer avec la Libye l’accord de délimitation maritime controversé, suivi d’un accord de prospection d’hydrocarbures dans les eaux libyennes. Cet accord donne désormais à la Turquie la possibilité de forer, même sur les frontières européennes, du côté de Chypre. Il n’y a que les hydrocarbures qui intéressent dans la région. L’accord récent signé entre Israël et le Liban portant sur la délimitation de la frontière maritime permettant l’exploration et l’exploitation des ressources gazières au large des côtes libanaises et israéliennes, va tout à fait dans ce sens ».
Radhi Meddeb a ajouté que la menace de fermeture de Nord Stream 2 par la Russie a également pu montrer comment tous les gouvernements européens se sont prévenus vers l’Algérie pour demander l’augmentation du volume exploité de gaz qui transitent par le gazoduc transméditerranéen.
« Deux mois après la visite d’Emmanuel Macron en Algérie, sa Première ministre y effectue une visite accompagnée de la moitié de son gouvernement. 16 ministres étaient en déplacement à la recherche du pétrole », at-il rappelé.

L’économie pour contrecarrer  le populisme

Selon Radhi Meddeb, outre les ambitions des différentes puissances mondiales et régionales, la Méditerranée fait aujourd’hui face à un grand défi, celui de l’immédiateté. « Face à la multiplication des fractures, les pays de la Méditerranée se retrouvent tous empêtrés dans la gestion de l’immédiateté. Ces pays ne sont plus dans le moyen ou le long terme mais sont plutôt pris sous l’emprise de l’immédiateté », at-il ajouté.
Selon l’expert économique, cette immédiateté ne pourra que favoriser l’émergence des populismes dans la région comme c’est le cas partout dans le monde. « Les populistes s’installent partout et c’est viral, aux USA, au Brésil, en Hongrie, en Italie. Ce populisme est porté par la vague de mécontentement », at-il noté.
Dans ce contexte, il estime que seule l’économie a la capacité de contrecarrer la montée du populisme. « Avec la capacité de répondre ou non aux exigences des populations, c’est l’économie qui pourrait finir au populisme, car ce dernier ne saura pas répondre aux exigences des populations », at-il assuré.
Par ailleurs, Radhi Meddeb a montré que, tout comme la région méditerranéenne, l’Afrique, dans sa globalité, n’est pas à l’abri de toutes ces évolutions et transformations profondes qui marquent le monde.


« Avec 1,4 milliard d’habitants dont 400 millions de classe moyenne, la population africaine passera à 2 milliards d’habitants en 2050 et à 4 milliards en 2100. L’Afrique constituera donc un gros ensemble humain et sera le principal gisement de la jeunesse dans le monde. Une jeunesse plus instruite, connectée et de plus en plus exigeante. L’Afrique n’a donc pas le choix. Elle doit se lever, sinon c’est sa jeunesse qui se lèvera », at-il affirmé.
Radhi Meddeb estime que l’un des défis majeurs imposés fait face à l’Afrique est la gouvernance.   « On a tous pensé que l’Afrique avait pris le chemin de la démocratisation, ou, le risque de coups d’Etat demeure quotidien dans les Etats africains. Malheureusement, la gouvernance de l’Afrique ne s’améliore pas nécessairement », at-il affirmé.
Il a ajouté que l’Afrique faisait aussi face à de multiples convoitises. Alors que les puissances coloniales ont du mal à accepter le recul de leur influence, de nouvelles puissances s’invitent en Afrique à l’instar de la Chine. « La Russie s’est aussi invitée au Mali, même si elle ne le reconnaît pas », at-il noté.
S’agissant de l’impact de la guerre en Ukraine, Radhi Meddeb confirme que l’Afrique subit frontalement cette guerre qui menace sa sécurité alimentaire.
Il estime que l’Afrique est profondément heurtée par l’impact de cette guerre et est soumise aux mêmes défis : transition démographique, transition écologique, exigences socio-économiques de sa jeunesse, mais aussi défis climatiques. « Des régions entières de l’Afrique sont mises à l’épreuve avec les changements climatiques et rien ne saura arrêter les flux des réfugiés climatiques », at-il conclu.

HBH

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